jeudi 19 mars 2015

Samedi 14 mars 2015

 Le mot « poésie » ferait-il si peur que notre atelier d’ordinaire complet compte trois chaises vides en ce samedi de fin d’hiver ? Renverrait-il chacun à de mauvais souvenirs scolaires, au malaise parfois ressenti face à un genre difficile pour ne pas dire abscons, qu’on se sait trop définir tant il évolue et fraye avec d’autres genres parfois peu fréquentables - d’ailleurs les poètes eux-mêmes le sauraient-il ? Si pour M. Jourdain les choses étaient claires, la déduction inverse qui voudrait que tout ce qui n’est pas prose est poésie n’est pas recevable. Alors, c’est quoi la poésie ? Vaste débat qui pourrait occuper une commission d’Immortels pendant des siècles… Seulement voilà, nous, en l’occurrence moi, puisque c’est moi qui ai proposé ce thème d’atelier, eh bien je ne suis pas Immortel (du moins pas encore et m’étonne à ce propos qu’aucuns de mes chers amis n’ait proposé mon nom à l’Académie) et je n’ai pas des siècles à consacrer à la question, tout juste quelques minutes, préférant écrire ou faire écrire la poésie plutôt que d’essayer de la définir.
Et si la poésie, tenté-je, était affaire de regard que l’on porte sur le monde et sur soi ? Et si la poésie était travail sur la langue pour exprimer ce regard ? Et si la poésie était image et musique ? Et si la poésie était tout cela à la fois et permettait de dire l’indicible avec peu de mots ? En formulant ces hypothèses, j’ai bien conscience quant à moi de ne pas dire grand-chose mais il faut bien que je présente ma séance d’atelier aux dix personnes rassemblées pour l’occasion autour des tables disposées en enfilade dans la médiathèque… Par ailleurs convaincu qu’à la différence d’autres genres – récit bref, conte ou nouvelle - une écriture poétique ne s’improvise pas en atelier, je conseille à chacun une trame « à la manière de », en l’occurrence le long poème d’Apollinaire intitulé Zone et le recours à une ou plusieurs anaphores présentes dans le texte ou par soi inventées afin de conférer quelque rythme au texte. Que les lecteurs de cette introduction qui ne me comprennent pas se rassurent, moi-même éprouve à l’instant présent le sentiment trouble d’être confus, bavard et pour tout dire « langue-de-boiteux ». Heureusement, les dix personnes autour de la table sont, elles, très fines et très désireuses de s’exprimer, et n’attendent qu’une chose qu’aucune n’exprime, car toutes bien élevées : mais de grâce qu’il se taise qu’on puisse enfin écrire ! Dont acte…

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