lundi 19 janvier 2015

Lundi 19 janvier 2015

Claire Monestier et Jacques-François Piquet
    M. le Maire m’avait bien fait comprendre qu’il tenait à ce que Vert-le-Grand reste un village, c’est pourquoi j’ai prié instamment les quelques dizaines de milliers de lecteurs que je compte de par le monde de ne pas venir à la soirée inaugurale de ma résidence samedi 17 janvier, lui épargnant ainsi barrières de sécurité et double cordons de CRS, sans compter les effusions parfois excessives de certaines groupies. En revanche, j’ai trié sur le volet une bonne cinquantaine de lecteurs et amis sur qui je savais pouvoir compter : je n’ai pas été déçu, ils ont été remarquables, leur qualité d’écoute était des plus belles, Claire Monestier et moi-même nous sommes sentis en confiance, animés d’un même désir de partage. Je tiens à les en remercier, qu’ils soient assurés que… je les inviterai à nouveau !

    M. le Maire m’a accueilli avec bonhomie et un certain sens de l’humour ; son adjointe à la culture, Mme Sergent, a su trouver les mots justes pour dire l’importance de la littérature et d’une résidence d’écrivain en ces temps troublés par l’actualité ; Françoise et Bernadette ont été… Françoise et Bernadette, efficaces, généreuses, disponibles. Je les remercie également tous les quatre.

    Si je suis le premier écrivain invité en résidence à Vert-le-Grand, je ne suis pas le premier écrivain à Vert-le-Grand. Avant moi, il y a eu un grand monsieur de la littérature, qui y a vécu presque vingt-cinq ans, et à qui j’ai voulu rendre un bref hommage : Roland Dubillard (1923-2011). Mme veuve Dubillard, autrement connue sous son nom de comédienne Maria Machado (souvenez-vous d’elle, femme meurtrie et extrêmement touchante, dans L’été meurtrier !), était présente dans la salle et je lui en ai demandé l’autorisation : en guise de réponse, elle m’a serré dans ses bras. J’ai lu quelques lignes des Carnets en marge de Roland Dubillard, quelques lignes ou plutôt quelques vers d’un poème écrit en janvier 1990, qui m’ont ému et on en comprend la raison dès les premiers mots :

Je ne sais plus écrire
Les mots sortent d’eux-mêmes,
Guidez-moi vers la sortie.
Je suis tombé dans le panneau.

C’est mieux que de se taire
 Les mots sortent des mots
 Dans les taillis, c’est la surprise
Le rêve est au moins un moyen de ne pas se connaître
Ce n’est pas ma Foi qui transporte les montagnes, les millénaires s’en chargent.

La couleur du mois de mars
Les fractures de ton être
 Les signes d’autres saisons
Sont en préparation
Une cuillère de mensonge puisée au plus profond du sommeil
N’importe quoi d’un peu mangeable.

Un pan de ma maison vient encore de s’écrouler, je présume. Deux ou trois de mes oreilles sont à moitié bouchées. (…)

Roland Dubillard avait alors 67 ans, quelques années de plus que moi ; trois ans plus tôt, un accident cardio-vasculaire le laissait hémiplégique et sa capacité à créer à jamais diminuée. Que Mme Dubillard soit également remerciée pour sa présence et la faveur qu’elle m’a faite de rendre ainsi hommage à son mari.

    Maintenant, on prépare la suite : rendez-vous le dimanche 8 février à 17h pour causer « Journal intime » en prenant thé et petits gâteaux.

   

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